La différenciation pédagogique
"L’objectif n’est pas tant de différencier "en soi" que la nécessité d’accompagner au mieux les élèves dans leurs apprentissages." Dossier de veille de l’IFE - N°113 - novembre 2016
Comment relever le challenge très élevé de la différenciation sans réduire la qualité des apprentissages et réussir à lutter contre les inégalités scolaires ?
Il n’existe pas une « recette pédagogique » unique, toute faite, qui s’imposerait à tous les enseignants, pour tous les âges des élèves et quelle que soit la discipline enseignée.
Historique
Derrière la notion de différenciation pédagogique se cache une multiplicité de pratiques et de dispositifs pertinents pour faire face à l’hétérogénéité dans les classes. Mais la conférence de consensus a montré que certaines conditions sont indispensables pour que tous les élèves apprennent.
Il convient de replacer le concept dans l’évolution historique des pratiques pédagogiques. C’est au milieu des années 70, suite à la mise en place du collège unique, que le concept de pédagogie différenciée prend sens. La mise en place de la politique de cycles à l’issue de loi d’orientation de 1989 replace la différenciation pédagogique au centre du débat en prenant de la distance avec le modèle d’individualisation. En 2016, la circulaire de rentrée utilise le concept de "diversification des pratiques" "différenciation des pratiques", pour associer des enseignements communs, des enseignements d’accompagnement personnalisé et des enseignements pratiques interdisciplinaires.
Au-delà de cela les premiers leviers qui peuvent être questionnés ici sont :
- l’usage du numérique (au sens large)
- des pédagogies plus actives : travail en groupe, pédagogie de projet, auto-évaluation...
Point de vigilance : Sabine KAHN met en garde contre la confusion entre une pédagogie différenciée (qui répond aux différences existantes) et une pédagogie différenciatrice (qui engendre des différences). Dans ce dernier cas, l’évaluation est basée sur l’écart à la norme : caractérisation des élèves en fonction de leur performance, de la réalisation d’une tâche que les élèves arrivent à réaliser... En fonction de ces écarts, de ces manques alors l’élève sera considéré en échec sans que cette situation ne soit analysée en référence aux relations de l’élève avec l’école, avec les tâches qui lui sont demandées (Cf. par exemple Les « victimes » de l’évaluation Jean-Marc Monteil).
Postulats : les élèves et la différenciation
Les postulats de Burns sont très souvent utilisés pour caractériser l’hétérogénéité
des élèves :
- il n’y pas deux apprenants qui progressent à la même vitesse ;
- qui soient prêts à apprendre en même temps ;
- qui utilisent les mêmes techniques d’étude ;
- qui résolvent les problèmes exactement de la même manière ;
- qui possèdent le même répertoire de comportements ;
- qui possèdent le même profil d’intérêts ;
- qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts (Burns, 1971).
Point de vigilance : Une pratique différenciatrice doit prendre en compte l’élève en tant qu’individu, ses apports culturels, ses représentations, ses modes d’expression, ses problèmes matériels mais aussi, en termes d’apprentissage, ses besoins, ses modes de compréhension.
Elle prend avant tout appui sur une expertise didactique forte pour tous les enseignants, qui leur donne les moyens d’avoir à leur disposition une palette de pratiques possible pour anticiper au mieux ce qui va se jouer en classe, et s’adapter en direct aux réactions des élèves.
Les conditions de la différenciation
schéma interactif sur ce qui est possible de différencier en classe ?
Que disent la recherche et les expérimentations de la pratique de la différenciation pédagogique ?
(sources Dossier de synthèse de la conférence de consensus "Différenciation pédagogique - Comment adapter l’enseignement pour la réussite de tous les élèves" ?)
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Recommandations des pratiques, des dispositifs efficaces, du pilotage
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Résultats scientifiques consensuels qui mettent à jour des modalités de différenciation efficaces, mobilisables par les acteurs de l’enseignement
- la nature et la qualité des situations d’apprentissage importent plus que ce que les enseignants perçoivent ou supposent des caractéristiques générales des élèves ;
- les enseignants doivent avoir une bonne maîtrise des contenus à enseigner et des relations qui les unissent ;
- les enseignants doivent avoir une expertise des conditions d’appropriation de ces contenus par les élèves ; leur « vigilance didactique » est essentielle, c’est-à-dire qu’ils doivent être capables d’ajuster leur activité à tous les stades d’une séquence d’enseignement ;
- il est nécessaire de maintenir un niveau d’exigence élevé pour tous les élèves ; les aides sont à penser comme des palettes de propositions pour soutenir les apprentissages collectifs ;
- les apprentissages sont plus efficaces lorsqu’un bon climat de classe existe ; mais bon climat de classe et apprentissages ne se construisent pas de manière dissociée. L’un n’est pas le préalable de l’autre ;
- des routines, des habitudes d’action sont à stabiliser chez les professeurs (gérer une phase d’explicitation, gérer une phase de synthèse de productions d’élèves, gérer les comportements des élèves dans l’instant) pour installer les conditions d’un enrichissement futur de leurs pratiques ;
- l’évaluation fine des connaissances préexistantes des élèves, et pas seulement des manques, est source d’informations essentielles pour orienter l’action des enseignants ;
- les élèves apprennent parce qu’ils sont confrontés à ce qu’ils ne savent pas (le nouveau), mais avec un appui suffisant sur des connaissances déjà là (de l’ancien) ;
- le temps d’exposition des élèves au savoir doit être suffisamment long et consistant ;
- l’engagement de l’élève dans les apprentissages est grandement renforcé par l’auto-évaluation ;
- une coopération entre élèves, cadrée et anticipée, peut avoir un effet démultiplicateur des apprentissages ;
- la différenciation pédagogique s’exerce dans la classe, mais aussi dans le cycle et dans l’établissement ;
- au-delà d’être seul dans sa classe, chaque enseignant doit pouvoir prendre appui sur une dimension collective où tous les enseignants partagent la responsabilité de faire progresser tous les élèves ;
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Pour information
- 22 % des enseignants en collège français déclarent pratiquer un enseignement différencié, contre 44 % en moyenne dans les pays ayant participé à l’enquête TALIS (2013).
- 37 % des enseignants français déclarent avoir co-enseigné au moins à une occasion, contre 58 % en moyenne dans les pays ayant participé à l’enquête TALIS (2013).
- 15 % des enseignants de CM1 français déclarent avoir participé « plus d’une fois à une formation continue sur le thème de la gestion des besoins individuels des élèves, dans les deux dernières années », contre 42 en moyenne dans les pays ayant participé à l’enquête TIMSS (2015).
[1] La différenciation pédagogique, elle différencie les traitements et elle est de la responsabilité des enseignants.
La différenciation structurelle, elle différencie le parcours. Elle est de la responsabilité des autorités éducatives. Lorsqu’elle est verticale, elle questionne l’orientation en milieu ordinaire, spécialisé, la filière, la section... Lorsqu’elle est horizontale, elle détermine un niveau scolaire.